STRATEGIE DE LA BATAILLE DE FORMIGNY
Mise en place des pièces :
Les français du Comte de Clermont ont évolué, ils en ont assez de se voir massacrés par les archers anglais qui sont capables en une minute de faire tomber du ciel de 15 000 à 25 000 traits : c’est à chaque fois l’hécatombe,depuis Crécy et Azincourt. Ils ont donc amené une nouvelle arme (comme les tanks en 1917 !), des canons capables de se déplacer et d’être utilisés sur le champ de bataille. Ce sont en tout et pour tout deux couleuvrines, mais elles ont une portée supérieures à celles des arcs et peuvent décimer les premières lignes adverses sans risque. Résumons nous : la bataille le matin est une suite de tirs d’artillerie sur les archers anglais,que leur Capitaine voit se faire tuer sans pouvoir riposter. Des escarmouches suivent, les canons sont pris par les anglais,puis repris par les français. En milieu de journée le 15 avril 1450 le Connétable de Richemont survient sur les lieux de la bataille avec ses cavaliers (1500) et fantassins (800) bretons. Il attaque immédiatement l’aile gauche anglaise qu’il met en déroute et fait sa jonction avec les troupes du Comte de Clermont. Kyriel, impressionné et déçu de ne pas voir arriver ses renforts, décide alors de basculer de l’autre côté du ruisseau pour s’appuyer sur le village de Formigny. Est-ce une erreur ou une faute ? Les historiens disent oui, les tacticiens sont plus réservés. En effet cette manœuvre fait perdre aux archers la protection de la ligne de défense installée rapidement le matin. Elle les rend par ailleurs indisponibles pendant un long moment : ils sont éparpillés et se retrouvent en terrain coupé de vergers et de clôtures. Mais Kyriel pense certainement avoir le temps de se récupérer au delà du ruisseau, les français ayant les mêmes problèmes pour le traverser. Par ailleurs il tient le pont de Formigny et le taudis (point d’appui renforcé). L’intelligence des alliés (français et bretons) est de prendre comme objectif le pont, de s’en emparer tout en réduisant le taudis, avant que les anglais ne soient reformés en ordre de bataille. Kyriel
est alors pris en flagrant délit de manœuvre disloquée, attaqué par un
ennemi en ordre de combat. C’est la défaite assurée. Elle sera
exploitée par la population locale qui extermine les fantassins et
archers anglais dans les campagnes environnantes. Les enseignements de cette bataille, qui marque une évolution par rapport aux cent années écoulées, sont tout d’abord l’emploi sur le terrain d’une artillerie (même minime) qui dispose d’une portée supérieure à celle des arcs longbow. Cela permet aux fantassins de se tenir hors de portée des archers adverses tout en laissant les canons opérer des dégâts dans leurs lignes. A Waterloo la bataille débutera exactement de la même manière mais les suites seront beaucoup moins favorables, les anglais se mettant à l’abri derrière un mouvement de terrain et se relevant pour faire face à la cavalerie de Napoléon! Kyriel voyant ses troupes se faire massacrer sans pouvoir réagir (les archers tirent trop court), donne l’ordre de s’emparer de l’artillerie, ce qui est fait. Les français sont alors obligés de la reprendre, ce qui est fait également. C’est un combat d’escarmouches, les effectifs engagés sont limités et les effets également. Rien de décisif ! Le sort de la bataille bascule avec l’arrivée de Richemont que les anglais prennent tout d’abord pour leurs renforts. Là aussi la comparaison avec Waterloo pourrait faire penser à l’arrivée de Grouchy ! La qualité de tacticien du Connétable est démontrée ici par la rapidité et la justesse de sa décision. Après une marche au canon il arrive sur les arrières ennemis et attaque dans la foulée la réserve de cavalerie adverse qui est mise en déroute. Cette action brutale et imprévue met le doute dans l’esprit de Kyriel qui alors prend la mauvaise décision. Il a toujours la supériorité numérique et ses troupes sont bien installées. Il quitte la sécurité de sa ligne de défense pour une aventure ! Pendant ce temps Richemont fait sa liaison avec Clermont et prend lui la bonne décision : il choisit une stratégie indirecte en débordant le dispositif anglais par sa droite. Il laisse l’infanterie adverse se disloquer en traversant le ruisseau et en manœuvrant dans un terrain coupé à proximité du village (le bocage normand !). Il s’empare du Pont, ce qui lui permet de conserver ses troupes en ordre pour attaquer les anglais encore en plein désordre. Kyriel doit-il en être condamné pour autant ? En fait il n’a pas vu toute l’importance du pont de Formigny. Qu’il ait été surpris par la présence sur le champ de bataille d’une artillerie mobile nul ne peut lui en tenir rigueur, trois ans plus tard, à Castillon, le Duc de Talbot fera encore la même découverte, mais les français auront cette fois 300 canons. Si la défense du pont de Formigny avait tenu, (mais ne fallait-il pas la renforcer avant de déclencher la manœuvre ?) Kyriel pouvait rameuter ses forces et les disposer aux lisières du village. La bataille pouvait reprendre et se terminer à la nuit sans victoire de part et d’autre. Si
on considère que cette bataille a constitué le début de la déroute des
anglais en France, le détail qui a tout déclenché c’est bien l’arrivée
de Richemont et la prise du pont, tout le reste n’est que péripéties.
Comme souvent une bataille se décide à un moment crucial qui peut ne
tenir qu’à un détail, une simple action ou un acte de bravoure
individuel ! Le
Connétable serait l’inventeur d’un principe toujours respecté dans
toutes les armées du monde : « Fixer – Déborder –
Détruire » ? Auteur : Colonel (er) Jean-Luc Boutry Officier supérieur en retraite, diplômé d'état-major et breveté de l'École de guerre |